Le soleil décline lentement sur la capitale économique du Bénin. Dans les quartiers populaires comme Akpakpa, Zongo ou encore Zogbo, une scène familière prend vie : des jeunes, pieds nus ou en sandales, investissent les terrains vagues, transformant chaque espace disponible en stade de fortune. Le foot de rue commence.
Sous la poussière soulevée par leurs courses effrénées, les joueurs crient, s’encouragent et rivalisent de gestes techniques dignes des plus grands professionnels. Ici, pas de gazon impeccable ni d’arbitre officiel, juste des règles tacites dictées par l’expérience et la tradition.
« On joue avec ce qu’on a », explique Rodrigue, 14 ans, un jeune joueur dans le quartier de Zogbo. « Parfois, on utilise une vieille balle en plastique, et nos buts, ce sont deux pierres posées au sol.»
Pour certains, le foot de rue est bien plus qu’un simple passe-temps. C’est un rêve, un espoir d’échapper à la précarité. De nombreux footballeurs béninois aujourd’hui professionnels, comme Jodel Dossou, ont fait leurs premières armes sur ces terrains de fortune.
Une popularité qui s’exprime dans les tournois de foot de rue organisés
Malgré cette effervescence, les infrastructures sportives adaptées manquent cruellement. Les académies de football existent, mais sont souvent inaccessibles pour la majorité des jeunes faute de moyens financiers. Pour pallier ces manques, des tournois de quartiers, devenus très réputés avec le temps, sont organisés.
C’est ce que nous explique Cyrille Hounkpe, promoteur du tournoi de football “Trophée Juste”, une compétition qui existe depuis environ 13 ans. L’évolution de ce tournoi, qui a pour but de “s’occuper des jeunes pendant les vacances”, montre la popularité et l’intérêt que la jeunesse cotonoise et béninoise accorde au foot de rue.
“Au début le tournoi était limité au quartier du 10e arrondissement (de Cotonou), qui compte 9 quartiers. Mais au fil du temps les autres quartiers ont également montré leur intérêt, parce que toute la jeunesse s’y intéressait donc le tournoi a été élargi dans tout Cotonou. Et vous pouvez constater l’affluence”, explique Cyrille Hounkpe.
Les spectateurs, souvent nombreux, participent aussi à la fête. « Tout le monde vient regarder, et on encourage nos jeunes talents », lance un spectateur assidu de ces tournois.
Des opportunités pour les plus doués
Au-delà du jeu, le foot de rue est un véritable ciment social. Sur le terrain, les différences s’effacent. Les rivalités de quartier s’oublient le temps d’un match, et des amitiés naissent autour du ballon.
De plus, à travers ses tournois, le foot de rue permet à certains, parmi les plus doués, d’accomplir leur rêve de devenir footballeur professionnel. C’est le cas de Augustin Hounzan (22 ans) qui a pris par les “Trophées Juste” et évolue aujourd’hui en Arabie Saoudite.
“Il y a des jeunes qui ont pris par là (le Trophée Juste) et qui sont aujourd’hui des professionnels. Je prends le cas de notre jeune frère Augustin Hounzan, qui a signé, juste après le tournoi de l’année dernière, dans un club à Oman en Arabie saoudite.”, nous apprends Cyrille Hounkpe.
Un secteur à encadrer
Face à l’engouement massif pour le foot de rue et son rôle clé dans l’épanouissement de la jeunesse béninoise, il devient crucial que les autorités prennent des mesures concrètes pour encadrer et développer ce secteur.
Des programmes de détection pourraient être mis en place pour repérer les talents prometteurs. De plus, une meilleure structuration du football amateur, avec des tournois réguliers et un accompagnement des jeunes joueurs, permettrait d’ouvrir des perspectives professionnelles aux plus doués.
Le foot de rue au Bénin est un mélange de passion, de talent brut et de défis à surmonter. Si certains y trouvent un simple plaisir, d’autres espèrent qu’il devienne un tremplin vers une carrière professionnelle. Ce qui est certain, c’est que malgré le manque d’infrastructures, cette jeunesse continue de rêver, ballon au pied, au cœur de toutes les villes du pays.